



















SICILE GRECQUE,
Retour aux origines
Série de 57 photographies, travail ouvert actuellement à toute proposition de monstration et d’édition.
Je découvre la Sicile en 1994 lors d’un voyage pour réaliser une série de photographies de momies dans les catacombes des capucins à Palerme. Et depuis plus de trente ans, je retourne régulièrement dans cette région extrêmement attachante et inspirante pour développer différentes recherches.
La plus grande île de la Méditerranée, idéalement placée sur les routes maritimes, a été convoitée depuis toujours par des puissances extérieures : les Phéniciens, les Grecs, les Romains, les Byzantins, les Sarrasins, les Normands, les Angevins, les Espagnols… Toutes ont laissé des traces de leur passage, mais celles de la présence grecque, dès l’époque archaïque autour du VIIIe siècle avant J.-C., ont quelque chose de remarquable d’après l’écrivain Dominique Fernandez : « En Grèce même, écrit-il dans son Radeau de la Gorgone, on ne trouve aucun temple aussi bien conservé que celui de Ségeste, aucun ensemble aussi imposant que l’alignement des sanctuaires sur la colline d’Agrigente. » Sensible moi aussi à la majesté de ces temples grecs, j’ai réalisé cette série de photographies sur les ruines majestueuses qui marquent encore le territoire.
Je me suis nourri des expériences des premiers voyageurs photographes du milieu du XIXe siècle, lorsque toute une génération d’artistes et d’intellectuels est partie à la découverte de l’Orient rêvé en passant souvent par la Sicile ; celles des photographes pionniers anglais instruits par Henry Fox Talbot, puis des Français initiés par Gustave Le Gray. J’ai voulu être dans la continuité et non dans la rupture en puisant dans l’histoire. Inspiré par leur exemple, il m’a semblé tout naturel d’utiliser le calotype, une technique ancienne qui nous renvoie aux origines de la photographie, à l’origine même du négatif à la base du procédé argentique. Sur le plan esthétique, les fibres du papier qui constitue le support de l’image négative donnent un supplément de texture au rendu photographique qui fait songer à une œuvre dessinée au fusain, ou à une estampe.
Choisir de saisir les traces d’une époque archaïque avec une technique photographique du passé et tenter de redonner à voir aujourd’hui les vestiges de la Sicile grecque tels que les ont vus et rapportés les photographes pionniers, c’est pour moi chercher à créer, par le détour d’une sorte d’archéologie personnelle, une œuvre totalement contemporaine. Devant la beauté et la grandeur de ces monuments de la Grèce antique, ne faut-il pas encore rêver au XXIe siècle pour relever le défi des images digitales qui s’accumulent en vain dans les smartphones des visiteurs pressés de voir des lieux désormais formatés pour l’exploitation à outrance d’un tourisme de masse ?
Raymond Escomel, 2025.